Abdoulahi ATTAYOUB est, à Lyon, le président de l’Organisation de la Diaspora Touarègue en Europe (ODTE) / Tanat. Il est aussi Consultant en relations internationales (Sahel) et membre du Réseau I-Dialogos.
Le Niger semble évoluer dans une diplomatie erratique. La confusion interne se reflète dans une diplomatie souvent hésitante. Les voyages de l’ancien président Issoufou Mahamadou, apparaissent comme les seuls actes à offrir encore une visibilité extérieure au pays. Les initiatives diplomatiques récentes, souvent improvisées et mal calibrées, ont davantage accentué l’isolement du pays et entaché sa crédibilité sur la scène internationale. Pour redonner de la cohérence à son action internationale, le CNSP devrait renouer avec une diplomatie pragmatique, centrée sur les intérêts nationaux et portée par des cadres compétents. Abdoulahi ATTAYOUB, le 18 octobre 2025
Entre refondation annoncée et réalités contrariées, le pouvoir militaire peine à clarifier sa vision. Plus de deux ans après la chute du président Mohamed Bazoum, le Niger semble s’enfoncer dans une transition sans boussole, sans objectifs clairs et cohérents, marquée par des contradictions internes, une diplomatie en retrait et une insécurité persistante.
Une refondation en quête de sens
Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) a engagé une « refondation » présentée comme une rupture avec les dérives du passé. Mais plus de deux ans après, force est de constater qu’il demeure difficile de saisir la logique des autorités de transition et leur véritable agenda pour un retour apaisé à l’ordre constitutionnel. C’est dans ce flou que s’enracinent les premières limites du projet de refondation : : le manque de cap clair, le discours ambigu, les silences sur les échéances à venir et les signaux contradictoires envoyés à l’opinion nourrissent la méfiance. Le peuple nigérien, plongée dans une incertitude politique et psychologique, peine à percevoir où se décident les véritables orientations du pouvoir.
Deux options pour le CNSP : la mutation ou la refondation
Face à ces ambiguïtés, une question centrale se pose : quelle direction le CNSP souhaite-t-il réellement emprunter ? Deux voies se dessinent : soit celle d’une transition prolongée sous une façade civile, soit celle d’une véritable réhabilitation de l’ordre constitutionnel. Dans ce second cas, la transition pourrait effectivement devenir un réel levier de transformation profonde. Mais pour cela, il faudra rompre avec la logique d’accaparement du pouvoir héritée du passé.
Rompre avec la rhétorique de la victimisation
Au-delà du seul chantier institutionnel, le discours politique du CNSP doit lui aussi évoluer. Pour crédibiliser son projet, le régime doit assumer ses choix et cesser de faire de l’étranger le bouc émissaire des difficultés nationales. Le véritable défi est d’abord intérieur : restaurer une gouvernance efficace, reconstruire les institutions et rétablir la confiance des citoyens. Faute de résultats tangibles, la restriction des libertés publiques risque au contraire d’alimenter la frustration et de fragiliser la stabilité que le pouvoir prétend garantir.
Le dossier Bazoum : une épine dans le pied de la transition
Cette exigence de cohérence et de crédibilité se heurte également à un obstacle majeur : la détention prolongée de l’ancien président Mohamed Bazoum. Son maintien sans procédure judiciaire claire alimente le scepticisme et fragilise la posture du CNSP, tant sur le plan moral que politique.
Un environnement sécuritaire de plus en plus précaire
À cette situation s’ajoute la dimension sécuritaire, pilier fondateur du discours des nouvelles autorités. Or, force est de constater qu’elle s’est sensiblement dégradée depuis la prise de pouvoir du CNSP. À l’image du Mali et du Burkina Faso, le Niger voit désormais des portions croissantes de son territoire lui échapper. Sans progrès tangible à court terme, le CNSP risque de voir s’effriter le principal fondement de sa légitimité : la promesse de rétablir la sécurité.
Diplomatie : entre isolement et improvisation
Sur le plan international, le Niger semble évoluer dans une diplomatie erratique. La confusion interne se reflète dans une diplomatie souvent hésitante. Les voyages de l’ancien président Issoufou Mahamadou, apparaissent comme les seuls actes à offrir encore une visibilité extérieure au pays. Les initiatives diplomatiques récentes, souvent improvisées et mal calibrées, ont davantage accentué l’isolement du pays et entaché sa crédibilité sur la scène internationale. Pour redonner de la cohérence à son action internationale, le CNSP devrait renouer avec une diplomatie pragmatique, centrée sur les intérêts nationaux et portée par des cadres compétents.
AES : une alliance encore en quête de cohérence
Cette même recherche d’équilibre s’observe dans l’appartenance du Niger à l’Alliance des États du Sahel (AES). Présentée comme un cadre de souveraineté partagée, l’alliance reste marquée par des divergences internes. Sans révision lucide de ses objectifs, elle pourrait davantage contraindre le Niger qu’elle ne le renforce.
Pour un agenda clair de sortie de crise
Ainsi, la nécessité d’un cap se fait plus pressante. Le Niger a besoin d’un agenda clair et inclusif, fondé sur ses propres réalités. Suivre les modèles malien ou burkinabè reviendrait à s’enfermer dans une impasse. Seule une feuille de route nationale, cohérente et transparente, permettra une refondation durable.
Conclusion : refonder pour durer
L’avenir du Niger dépendra de la capacité du CNSP à transformer son pouvoir de fait en pouvoir utile, un pouvoir qui réforme, apaise et prépare un retour à un ordre constitutionnel rénové. Sans vision claire ni engagement sincère, la refondation risque de rester un slogan de plus dans une histoire politique déjà trop tourmentée.
Abdoulahi ATTAYOUB Consultant Lyon (France)