Des hashtags aux urnes : Comment la jeunesse nigériane sur X redéfinit la Politique. David UTAH NDUKA

David Nduka Utah, est chercheur au Centre of Excellence in Migration and Global Studies,  de la National Open University of Nigeria,  à Abuja. Titulaire d'un doctorat en langue et linguistique françaises en 2018, il est spécialisé en pédagogie des langues, en multilinguisme et en études migratoires. Ses recherches portent sur les pratiques linguistiques transfrontalières, la migration et les tentatives migratoires des jeunes nigérians après la manifestation de #EndSARS et l'engagement politique des jeunes sur X (anciennement Twitter). Auteur de plus de 40 articles publiés, il est membre de la FIPF, de l'UFTAN, de l'ASA et du LAN. Il est aussi membre des comités de rédaction de plusieurs revues académiques.

In English below 

En 2020, un simple tweet dénonçant les violences policières s’est transformé en l’un des mouvements les plus marquants dirigés par la jeunesse dans l’histoire contemporaine du Nigéria. Le mot-dièse #EndSARS, partagé par des millions de personnes sur X (anciennement Twitter), est devenu le cri de ralliement d’une génération qui refusait désormais de souffrir en silence. Des rues de Lekki aux communautés nigérianes de Londres et de New York, les jeunes ont organisé des manifestations, coordonné des actions et documenté chaque instant en temps réel. X est devenu bien plus qu’un réseau social : c’était un outil d’organisation, un mégaphone, un tribunal et un champ de bataille numérique. 

“SARS almost killed me in 2018. They said my laptop made me a fraudster. It’s time to #EndSARS for real.”— @ChineduUnchained, October 2020  

Notre traduction : « Les agents de SARS ont failli me tuer en 2018. Pour eux, un ordinateur portable, c’est un signe de cybercriminalité. Il est temps d’en finir avec ça. #EndSARS »
— @ChineduUnchained, octobre 2020 

Pour de nombreux jeunes Nigérians, ce fut un éveil politique. Leur indignation face aux abus policiers s’est rapidement étendue à des préoccupations plus larges : le chômage, la mauvaise gouvernance, le système corrompu. Ils ont trouvé leur force dans le nombre, leur clarté dans une cause commune, et leur voix dans la timeline. Ce qui était autrefois un espace de divertissement et de culture populaire est devenu une agora numérique, un lieu de débat civique et d’activisme citoyen. 

Mais le mouvement ne s’est pas arrêté avec les manifestations. Il a évolué. À l’approche des élections générales de 2023, beaucoup de ceux qui avaient occupé les rues se sont tournés vers les urnes. Parmi les figures émergentes, Peter Obi, ancien gouverneur de l'État d'Anambra, a attiré l’attention. D’abord considéré comme un outsider soutenu par “deux personnes tweetant depuis une chambre”, selon ses détracteurs, sa candidature s’est rapidement imposée grâce à l’énergie numérique.

Obi doesn’t have structure? We are the structure. Digital town halls, fundraising links, polling unit strategy threads—we move.”
— @AdaObidient, June 2022 

Notre traduction : « Il n’a pas de structure ? C’est nous, la structure. Town halls numériques, levées de fonds, stratégie électorale : on est prêts. »
— @AdaObidient, juin 2022 

“My PVC is not just plastic. It’s protest. It’s a bullet I get to shoot at the ballot box.”
— @EzeSpeaks, January 2023 

 traduction : « Ma carte d’électeur n’est pas qu’un bout de plastique. C’est ma balle dans l’urne. »
— @EzeSpeaks, janvier 2023 

Les jeunes, surnommés les Obidients, ont mobilisé leur influence sur X pour faire campagne, sensibiliser, et coordonner des actions électorales. À travers des infographies, des Twitter Spaces massifs, et une stratégie centrée sur la jeunesse, ils ont transformé une candidature marginale en un phénomène politique. Selon les résultats annoncés par Independent National Electoral Commission du Nigeria, Peter Obi est arrivé troisième à l’élection présidentielle, remportant plusieurs États traditionnellement acquis aux partis dominants. Son parti politique, Labour Party qui a été ignoré depuis longtemps, est devenu une force électorale crédible, portée par une génération qui a choisi de s’impliquer. 

Mais au-delà de l’élection et des figures charismatiques, cette jeunesse a désormais des revendications claires : réformes électorales, transparence, gouvernance inclusive. Sur X, les mots-dièse comme #RéformeINEC, #StopFraudeÉlectorale, ou #Youthsforchange reflètent une soif de justice électorale. 

“INEC must publish real-time results online. We are tired of collation center drama. We deserve #TransparentElections.”
— @MissDemocracy, February 2023 

Notre traduction : « Les résultats doivent être publiés en temps réel. Fini les manipulations nocturnes. #ÉlectionsTransparentes »
— @MissDemocracy, février 2023 

“If you don’t want young Nigerians in politics, then stop complaining when the old ones ruin it.”
— @NigerianYouth2030, March 2023 

Notre traduction : « Si on ne veut pas des jeunes en politique, qu’on ne se plaigne pas du désastre actuel. »
— @JeunesseNig2030, mars 2023 

Le décès récent de l’ancien président Muhammadu Buhari a également provoqué une vague de réactions sur la plateforme. Certains ont salué son parcours militaire et démocratique, d'autres ont critiqué son silence face aux crises. Pour une génération qui a grandi sous sa présidence, sa disparition symbolise la fin d’une ère, et le début d’un appel renouvelé à un leadership éthique. 

“Buhari is gone. May our democracy rise where his silence once stood.”
— @AyamVictor, July 2025 

Notre traduction : « Buhari est mort. Que la démocratie se lève là où régnait le silence. »
— @AyamVictor, juillet 2025 

“We were beaten, unemployed, harassed and blamed under Buhari’s watch. His chapter is closed. The next one is ours to write.”
— @YasminCivic, July 2025 

Notre traduction : « Nous étions harcelés, appauvris, ignorés pendant le mandat de Buhari. Ce chapitre est clos. Le prochain, c’est à nous de l’écrire. »
— @YasminCivic, juillet 2025 

Malgré leurs avancées, les jeunes activistes sont confrontés à de nombreux obstacles : surveillance numérique, arrestations arbitraires, menaces de censure. Le gouvernement tente régulièrement de limiter la portée de leur voix. Mais ce qu’il ne comprend peut-être pas, c’est que l’on peut suspendre une plateforme, mais pas un mouvement. 

“They arrested someone for a tweet? We’ll tweet about it. Retweet it. Fundraise his bail. Demand his release. The fight continues.”
— @TechieActivist, August 2024 

Notre traduction : « Quelqu’un a été arrêté a cause d’un tweet ? Alors on tweetera pour vous. On fera circuler. On financera votre libération. La lutte continue. »
— @TechieActivist, août 2024 

La jeunesse nigériane a montré que la politique ne se joue plus uniquement dans les salons d’Abuja ou les bureaux des “godfathers”. Elle se joue dans les DM, les Spaces, les commentaires, et les bureaux de vote. Elle est vibrante, impatiente, informée et bien réelle. 

À l’approche des élections de 2027, une chose est sûre : cette génération n’a pas l’intention de disparaître. Elle façonne le récit national, influence les candidats, et redéfinit ce que signifie participer à la vie politique. Des hashtags aux bulletins de vote, des tweets à la rue : la jeunesse nigériane n’est pas seulement l’avenir. Elle est le présent. Et elle exige d’être entendue.

David Nduka Utah

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From Hashtags to the Ballot Box: How Nigerian Youth on X Are Redefining Politics 

By Utah Nduka David

In 2020, a simple tweet denouncing police brutality morphed into one of the most significant youth-led movements in contemporary Nigerian history. The hashtag #EndSARS, shared by millions on X (formerly Twitter), became the rallying cry for a generation that refused to suffer in silence. From the streets of Lekki to the Nigerian communities of London and New York, young people organized protests, coordinated actions, and documented every moment in real time. X became much more than a social network: it was an organizing tool, a megaphone, a tribunal, and a digital battlefield. 

“SARS almost killed me in 2018. They said my laptop made me a fraudster. It’s time to #EndSARS for real.” — @ChineduUnchained, October 2020 

For many young Nigerians, it was a political awakening. Their outrage at police abuses quickly expanded to include broader concerns: unemployment, poor governance, the corrupt system. They found strength in numbers, clarity in a common cause, and their voice in the timeline. What was once a space for entertainment and popular culture became a digital agora, a place for civic debate and citizen activism. 

But the movement didn't stop with the protests. It evolved. As the 2023 general elections approached, many of those who had occupied the streets turned to the polls. Among the emerging figures, Peter Obi, former governor of Anambra State, has attracted attention. Initially considered an outsider supported by “two people tweeting from a bedroom,” according to his detractors, his candidacy quickly gained traction thanks to digital energy. 

“Obi doesn’t have structure? We are the structure. Digital town halls, fundraising links, polling unit strategy threads—we move.” — @AdaObidient, June 2022    “

My PVC is not just plastic. It’s protest. It’s a bullet I get to shoot at the ballot box.” — @EzeSpeaks, January 2023   

Young people, nicknamed the Obidients, mobilized their influence on X to campaign, raise awareness, and coordinate electoral actions. Through infographics, massive Twitter Spaces, and a youth-centric strategy, they transformed a marginal candidacy into a political phenomenon. According to the results announced by Nigeria's Independent National Electoral Commission, Peter Obi came third in the presidential election, winning several states traditionally held by the dominant parties. His political party, the Labour Party, which had long been ignored, has become a credible electoral force, driven by a generation that has chosen to get involved. 

But beyond the election and the charismatic figures, these young people now have clear demands: electoral reforms, transparency, and inclusive governance. On X, hashtags like #INECReform, #StopElectoralFraud, and #Youthsforchange reflect a thirst for electoral justice.  

“INEC must publish real-time results online. We are tired of collation center drama. We deserve #TransparentElections.” — @MissDemocracy, February 2023

The results must be published in real time. No more nighttime manipulation. #TransparentElections.” — @NigerianYouth2030, March 2023 

“If we don’t want young people in politics, then we shouldn’t complain about the current disaster.” — @JeunesseNig2030, March 2023 

The recent death of former President Muhammadu Buhari also sparked a wave of reactions on the platform. Some praised his military and democratic legacy, while others criticized his silence in the face of crises. For a generation that grew up under his presidency, his passing symbolizes the end of an era and the beginning of a renewed call for ethical leadership. 

“Buhari is gone. May our democracy rise where his silence once stood.” — @AyamVictor, July 2025 

“We were beaten, unemployed, harassed, and blamed under Buhari’s watch. His chapter is closed. The next one is ours to write.” — @YasminCivic, July 2025

We were harassed, impoverished, and ignored during Buhari’s tenure. This chapter is closed.” The next one is up to us to write it.” — @YasminCivic, July 2025 

Despite their progress, young activists face numerous obstacles: digital surveillance, arbitrary arrests, threats of censorship. The government regularly attempts to limit the reach of their voice. But what it may not understand is that you can suspend a platform, but not a movement. 

“They arrested someone for a tweet? We’ll tweet about it. Retweet it. Fundraise his bail. Demand his release. The fight continues.” — @TechieActivist, August 2024 

Nigerian youth have shown that politics is no longer played out solely in the living rooms of Abuja or the offices of the “godfathers.” It's playing out in DMs, Spaces, comments, and polling stations. It's vibrant, impatient, informed, and very real. 

As the 2027 elections approach, one thing is certain: this generation has no intention of disappearing. It's shaping the national narrative, influencing candidates, and redefining what it means to participate in politics. From hashtags to ballots, from tweets to the streets: Nigerian youth aren't just the future. They're the present. And they demand to be heard.


- Utah Nduka David (2017), Analyse stylistique des éléments déictiques dans le discours inaugural du président français, Emmanuel Macron. Covenant Journal of Language Studies, Covenant University, Ota. Ogun State. June. Vol. 5. No 1. Pp. 48-64. Online : https://journals.covenantuniversity.edu.ng/index.php/cjls/article/view/736 


- Utah Nduka David & Dafong Mercy (2022), Ecosemiotic Study of Interspecies Umwelt Relationship in Alain Mabanckou’s Mémoires de Porc-epic. VERITAS JOURNAL OF HUMANITIES (VEJOH), Faculty of Humanities, Veritas University, Abuja. Vol. 4, no 1& 2.Pp. 291-302. https://acjol.org/index.php/veritas/article/view/3478 


- Utah Nduka David (2017), Analyse stylistique des éléments déictiques dans le discours inaugural du président français, Emmanuel Macron. Covenant Journal of Language Studies, Covenant University, Ota. Ogun State. June. Vol. 5. No 1. Pp. 48-64. Online : https://journals.covenantuniversity.edu.ng/index.php/cjls/article/view/736 


- Utah Nduka David & Dafong Mercy (2022), Ecosemiotic Study of Interspecies Umwelt Relationship in Alain Mabanckou’s Mémoires de Porc-epic. VERITAS JOURNAL OF HUMANITIES (VEJOH), Faculty of Humanities, Veritas University, Abuja. Vol. 4, no 1& 2.Pp. 291-302. https://acjol.org/index.php/veritas/article/view/3478