La langue française et l'outre-mer: l’atout oublié ?  Entretien avec Jimmy VAKAULIAFA

Consultant en Intelligence économique et territoriale, originaire des îles Wallis et Futuna et de Fiji, Simione Jimmy VAKAULIAFA est spécialisé dans l'accompagnement des collectivités dans le cadre de leur projet de transition socio-économique, énergétique, numérique, agroalimentaire, environnementale, etc. Il est également Panéliste international toujours dans la même thématique des transitions. 

Ancien cadre militaire et chef d’entreprise (agroalimentaire), il intervient depuis 2004 en tant que Consultant sur les projets de développement des territoires (Développement économique, problématique Jeunesse, Organisation des Mini-Jeux du Pacifique, Fab-Lab, etc.), et de médias. En 2014 il intervient sur des projets de tourisme patrimonial dans un pays qui lui est cher, la Tunisie. Il est également Conseiller politique auprès des élus ou de groupes politiques. Expert « Autonomie numérique des Territoires » il intervient dans les projets de Smartlighting et Smartgrid auprès des collectivités françaises et à l’international. Titulaire de 2 Master en Marketing stratégique et en Gestion et Management stratégique, il intègre en 2011 l’ISG Paris pour un MBA en Conseil stratégique qu’il abandonne pour les Cycles Internationaux à l’ENA Paris de 2011 à 2014. Il intègre l'IHEST en Cycle national 2021-2022 Promotion Rosalind FranklinJimmy est Correspondant I-Dialogos à Wallis et Futuna /Région Pacifique

Entretien avec Jean-Claude MAIRAl., co-président de I-Dialogos.

Alors que les territoires ultra-marins et de leurs populations possèdent une richesse humaine, une diversité culturelle, une créativité et des potentialités économiques environnementales considérables, on en sous-estime grandement l’intérêt pour le rayonnement de la France et de l’Europe, de ces territoires présents aux quatre coins du Monde et sur trois Océans. 

I-Dialogos : Il y a une profonde méconnaissance chez les citoyens, les élus et les acteurs économiques de l'hexagone, de la réalité des territoires ultra-marins et de leurs populations. Alors que ces territoires possèdent une richesse humaine, une diversité culturelle, une créativité et des potentialités économiques environnementales considérables, on sous-estime grandement l’intérêt pour le rayonnement et de la France, de pouvoir disposer de ces territoires qui sont présents aux quatre coins du Monde et sur trois Océans, faisant de notre pays, le 2ème empire maritime mondial, après les USA. Originaire de l’île de Tiga en Nouvelle-Calédonie, Walles Kotra qui a été directeur exécutif chargé de l’Outre-mer au sein du groupe France-Télévisions parle de la France comme d’un « Pays-Monde » qui pourtant se « refuse de se penser en archipel mondial pour continuer à n'être qu'un Hexagone rabougri, incapable d'assumer sa géographie éclatée et ses champs culturels multiples". C'est un jugement implacable ? 

Jimmy Vakauliafa : Je partage complètement le propos de Walles Kotra dans la mesure où la problématique vient du fait que la France ne reconnaît pas les peuples autochtones, contrairement à l’ONU. 

En effet, à partir du moment où l’on raisonne avec une approche « pouvoir central », il est très difficile par la suite de prendre en compte (considération) les spécificités respectives des Outremer qui constituent cette richesse et des atouts considérables pour le rayonnement de la France.I-Dialogos : Vous qui êtes né dans un de ces territoires, comment analyser ce désintérêt, incompréhensible à mes yeux ? 

Jimmy Vakauliafa : Je ne dirai pas « désintérêt » de la France, mais plutôt un certain « assujettisme » ou « néocolonialisme » dont elle  élargit elle-même les dimensions, plaçant le curseur en fonction de ses intérêts, au détriment de ceux des peuples autochtones.   

Cependant, les peuples ultramarins ont également une forte part de responsabilité dans cette situation et sont les premiers concernés dans la mesure où ils ont voté pour leurs élus. Pour être compris, entendu et considérés, les populations doivent impérativement élire des élus capables de porter, d’argumenter et de défendre leurs intérêts à Paris ou dans les préfectures délocalisées avec lesquelles, les élus locaux et les représentants de l’état doivent convenir d’une feuille de route commune et gagnante-gagnante.   

 Malheureusement, dans des collectivités ou le clientélisme et la politique du ventre ont toujours des beaux jours devant eux, la tendance n’est pas prête de changer. Déconstruire les mentalités prend du temps, malheureusement, le temps joue plus en défaveur des populations ultramarines qui, lors des élections, reproduisent le même schéma de pensée et de voter. Les élus des outremers connaissent parfaitement les problématiques locales et doivent être les ambassadeurs de leur population pour susciter l’intérêt qu’elles méritent et pour lequel ils sont censés travailler. C’est la raison pour laquelle, nous, ultramarins, devons également reconnaître notre part de responsabilité dans ce désintérêt. 

I-Dialogos : Que faudrait-il mettre en œuvre pour que l'ensemble de nos concitoyens et des décideurs prennent conscience de la force que représentent ces territoires pour la France? 

Jimmy Vakauliafa : Les Outremers ne sont pas toujours bien représentés dans le paysage médiatique et surtout audiovisuel, si ce n’est à travers les spots liés à la promotion du tourisme qui intègre patrimoine et culture. Le Sport contribue également à cette promotion car, aujourd’hui, chaque collectivité des outremers a des représentants dans chaque discipline, ou lors des élections Miss France.     

La suppression de la chaîne RFO a fortement nuit à cette promotion, même si, aujourd’hui, l’organisation des médias semble évoluer pour promouvoir ces « contrées lointaines » françaises. 

Pour autant, les programmes respectifs des médias semblent plus s’articuler autour d’une promotion « interne » et à destination des diasporas qui cherchent à retrouver leurs identités plutôt qu’une promotion « externe ».   

Un gros travail de diversification de programmes médiatiques s’avère ainsi impératif avec une orientation « économique » et « environnemental » d’autant plus qu’avec la ZEE (Zone économique exclusive) des Outremers, la France est le 2ème empire mondial au niveau maritime. Sans la ZEE des outremers, elle glisserait au 10ème rang mondial !  Les enjeux liés à l’axe indopacifique, aux terres rares, et richesses sous-marines, etc. sont tout autant de sujets majeurs à aborder, dans ce contexte de contraction budgétaire de l’état qui impacte fortement la vie de tous les citoyens français. Un éclairage socioéconomique et environnemental sur les atouts des outremers contribuera activement à cette promotion, à cette découverte pour certains et à des stratégies de développement et d’investissement pour d’autres.   

Plusieurs articles et reportages ont traité la question « que rapporte les Outremer à la France » consultables sur internet.    Et enfin, comme dans toutes régions de l’hexagone, les outremers ne sont également connus que quand il y a des revendications autonomistes ou indépendantistes, des mouvements sociaux, des tensions locales, ou dans les catastrophes naturelles.

I-Dialogos : La France est le seul pays de l'Union européenne à rayonner en Amérique du Sud par sa présence en Amazonie, dans les Caraïbes, en Amérique du Nord à quelques encablures du Canada, dans l'Océan Indien proche de l'Afrique, dans l'Océan Pacifique, zone de l'Indo-Pacifique. Cela lui donne des atouts considérables à l'échelle européenne et mondiale. N'est-il pas temps au niveau des décideurs politiques, économiques et culturels de l'Hexagone, de changer de logiciel et de vision vis à vis des Outre-Mer, de procéder à une réflexion profonde et de penser autrement les politiques menées en Outre-mer ?

 Jimmy Vakauliafa : Les Outremer ne peuvent évoluer que si les élus des outremers impulsent eux-mêmes ce changement. J’ai abordé à plusieurs reprises l’idée de créer un groupe parlementaire Outre-mer lequel présenterait les travaux menés pour apporter les éléments de réponses à leurs problématiques générales et respectives.   En effet, chaque collectivité d’outre-mer a ses propres spécificités, notamment en termes de gouvernance, d’expérience politique, économique, sociologique, technologique, environnementale, législative et culturelle. 

Chaque collectivité a également des rapports différents les unes des autres avec la France au regard du passé colonial pour certaines sauf pour Wallis et Futuna qui n’a jamais été colonisé, si ce n’est économiquement.   

Pour pouvoir mener cette réflexion profonde, les parlementaires ultramarins se doivent de s’organiser, de se structurer pour se constituer par la suite comme les ambassadeurs, les promoteurs, les défenseurs, les protecteurs etc. de leurs populations d’aujourd’hui et du futur.   

Au niveau socioéconomique, partout dans les Outremer, nous assistons, d’un côté, à la mise en place des appels d’offres locaux qui sont finalement attribués à des multinationales ou aux filiales de ces dernières, au détriment des entreprises locales, lesquelles ne répondent pas toujours aux critères exigés malgré leurs connaissances parfaites des spécificités locales.   

Les aides européennes ne sont pas non plus dédiées à un développement sincère des Outremer mais plutôt à les rendre dépendants et en sous perfusion financières des appareils nationaux et européens.   Cependant, nous assistons ici et là, à de nombreuses formes de résistance culturelle et identitaire, comme la littérature, l’art, la musique et la religion pour tenter de maintenir leur identité culturelle face à cette problématique de domination « coloniale ».  

Chaque collectivité s’organise sous la bannière « culturelle, identitaire, propriétaire foncier, etc. » pour tenter de se faire entendre, se faire comprendre et promouvoir les spécificités locales respectives afin d’exister économiquement.    Partout dans les Outremer, l’appartenance culturelle, identitaire et foncière constituent les arguments principaux des revendications pour obtenir des marchés et faire face aux multinationales qui opèrent désormais sur ces nouveaux territoires d’opportunités. I-Dialogos : N'est-il pas temps également au niveau des élus des Outre-Mer qu'ils aient une autre approche de leur rôle politique dans leur territoire et vis à vis du pouvoir central à Paris ? 

Jimmy Vakauliafa : Il est plus que temps pour ne pas dire urgent que les élus des Outre-mer réagissent car les enjeux sont préoccupants avec, d’un côté, le dépeuplement des collectivités (égal désinvestissement), le vieillissement de la population, etc. et de l’autre, cette augmentation des charges qui tend l’équilibre social et l’équilibre économique vers un écart de plus en plus important qu’il sera très difficile de réduire. Encore faut-il que la volonté politique existe et soit sincère et sans entourloupe. 

I-Dialogos  : La société civile n'aurait-elle pas aussi un rôle à jouer ?   

Jimmy Vakauliafa : La société civile a un rôle prépondérant à jouer dans la mesure où c’est elle qui décide qui seront leurs représentants, leurs porte-paroles etc.  Mais, comme abordé précédemment, le clientélisme et la corruption gangrène  fortement le vote objectif.

I-Dialogos : Les Outre-Mer sont une chance pour le développement de la France. Comment repenser les   liens de ces territoires entre eux et avec l'Hexagone. Comment dans la diversité, l'Histoire et la réalité de chaque territoire, construire du commun et réussir à faire République française ? Est-ce possible ? Et comment ? 

Jimmy Vakauliafa : Les politiques impérialistes et coloniales de jadis font que le poids de l’Histoire pèse et pèsera toujours fortement sur les relations particulières entre chaque collectivité des Outremer (exemple, entre la Nouvelle Calédonie et Wallis et Futuna par rapport au dégel du corps électoral) et entre elles et la France, ce qui complexifie les réflexions stratégiques.    

Pour construire du Commun, les liens et les origines îliennes des peuples des outremers peuvent constituer un levier à exploiter dans lequel chacun se reconnaît d’abord « îlien », avant d’être français, autonomiste ou indépendantiste. Il y aura donc 2 phases, 1 localement ou régionalement pour constituer une feuille de route « îlienne » et 2, les discussions avec le pouvoir central pour dessiner les contours finaux de cette approche.   

Conscients que tous ont vécu (pour ne pas dire subi) généralement une adoption forcée de la culture, de la langue, des valeurs et des institutions du « colonisateur », cet état de fait peut constituer le dénominateur commun qui peut unir les populations îliennes. En effet, l'expansion des pays occidentaux a entraîné l'abandon des langues locales au profit des langues européennes, provoquant la disparition progressive des langues vernaculaires et portant atteinte à la transmission des savoirs et des traditions culturelles.    Il est vrai que, dans la théorie, cela semble facile, mais dans la réalité, le poids de l’Histoire aura un impact non négligeable à intégrer dans les réflexions stratégiques. C’est une ambition difficile à mettre en place, mais pas impossible.

 I-Dialogos : Quand on aborde les questions institutionnelles, de nombreuses pistes sont avancées : décentralisation renforcée, fédéralisme, autonomie, indépendance avec une relation privilégiée avec la France. Tout cela mérite d'être discuté, mais ce qui importe c'est que les décideurs et les populations soient pleinement responsables de la vie et de l'avenir de leurs territoires. 

Jimmy Vakauliafa : Les logiques d’autonomie et d’indépendance sont de plus en plus adoptées dans les Outremer suite aux conséquences des causes dont les responsabilités sont partagées à 50/50 entre le pouvoir central et ses collectivités. Cependant, chaque collectivité se doit d’abord d’analyser ses propres éléments de problématiques car entre Vouloir, Savoir et Pouvoir, il y a des cratères difficilement « gérables » qu’il est plus que fortement recommandé de prendre de la hauteur, s’agissant ici des décisions qui seront déterminantes pour l’avenir des populations locales.   

Les structures des budgets seront également à intégrer dans l’équation étant donné que, pour certaines collectivités, les taxes constituent une part importante des recettes. Partant du principe qu’on ne sert qu’un maître à la fois, les dirigeants devront faire preuve d’objectivité, toute raison gardée…car toute ambition assigne les moyens appropriés.   Dans ce contexte, la population devra être informée objectivement des enjeux afin qu’elle puisse s’exprimer démocratiquement par référendum.

I-Dialogos : Le Président Macron qui s'est rendu en Nouvelle Calédonie, au Vanuatu, en Papouasie-Nouvelle Guinée a affirmé avec force l'ambition Indopacifique de la France avec un certain nombre d'annonces, notamment un programme Erasmus du Pacifique ou la mise en œuvre d'une étroite coopération avec la Papouasie-Nouvelle guinée à l’élaboration pour ce pays d’une plateforme-pays sur les forêts, la nature et le climat. 

Jimmy Vakauliafa : Compte tenu des enjeux géopolitiques et géostratégiques qui s’opèrent sur la région, la France a tout intérêt à revoir sa politique générale des Outremer au regard des logiques d’indépendance qui croissent de plus en plus dans ces contrées lointaines et pour lesquelles les puissances étrangères, particulièrement à la Chine, s’intéressent fortement en procédant par la colonisation économique.   

Sur cette région, seul Wallis et Futuna demeure à ce jour, le seul point d’ancrage sûr pour la présence française et européenne, là où ses cousins Calédoniens et Polynésiens aspirent à leur indépendance et autonomie. C’est aussi un clin d’œil au poids de l’Histoire, abordé précédemment.  

 I-Dialogos : Que pensez-vous des propos de Yves Bigot, Président de la fondation des Alliances françaises dans le Hors-série de l'Eléphant qui écrit "La France est le seul pays qui ne s'intéresse pas à la francophonie"  et qui fait que les français "ne mesurent pas combien la Francophonie et la langue française sont notre force". Pour lui et nous y adhérons complètement, "La conscience de la force de la francophonie est notre avenir" et " Pour la nouvelle génération, la Francophonie représente un avenir culturel et géopolitique, et un futur économique crucial"

Jimmy Vakauliafa : J’ai envie de répondre « puissent les gouvernements actuels et à venir puissent intégrer les propos de Yves Bigot car cela découle d’une telle évidence que l’ignorer serait une irresponsabilité grave. 

Etant beaucoup intervenu à l’international, j’ai été étonné de voir combien parler le français lors des diners d’affaires ou protocolaires était considéré comme un atout différenciateur, pour ne pas dire « un certain standing ».   

Même en Chine, des écoles françaises sont créées, ce qui n’est pas si anodin que cela puisse paraître. Nous voyons à travers ce constat que la France ne se rend même pas compte de ses propres atouts, toujours avec le « poids de son Histoire », sa culture et sa gastronomie qui en fait l’une des références mondiales ! 

I-Dialogos : Lors de l'inauguration de la cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, le Président de la République, Emmanuel Macron a notamment déclaré: "Un Français peut parfaitement se réclamer de plusieurs appartenances linguistiques. 

Chacun a le droit de connaître, parler, transmettre sa ou ses langues, et c'est un droit non négociable. Toutes les langues sont égales du point de vue de la dignité. C’est pourquoi je veux que nos langues régionales soient encore mieux enseignées et préservées, qu'elles trouvent leur place dans l'espace public, en un juste équilibre entre leur rôle d'ancrage de langue régionale et le rôle essentiel de cohésion de la langue nationale.

« Chez tout être humain, écrit Amin Maalouf, existe ce besoin d'une langue identitaire. Chacun de nous a besoin de ce lien puissant et rassurant. » Mais il faut entendre dans ce mot d'identité, surtout chez vous, non pas une identité contre, une identité meurtrière, mais une identité avec, qui ajoute, qui grandit, qui multiplie. Et là est précisément la force du français. Nous avons besoin de toutes ces langues, et d'une langue qui soit la même de Lille à Nouméa, de Marseille à Pointe-à-Pitre, pour nous sentir appartenir à la même entité nationale en nos différences."  

Avec votre connaissance de la situation dans la Zone Pacifique et à Wallis et Futuna, que lui répondez-vous à la lecture de sa déclaration? 

Que lui demanderez-vous afin que ces propos soient réellement mis en application dans les territoires ultramarins du Pacifique.

Jimmy Vakauliafa : L’Histoire nous a appris qu’en favorisant l'assimilation culturelle, la France promettait l'égalité de droits pour les peuples autochtones, les considérant légalement comme des « citoyens français », tout en visant à effacer leur identité nationale pour les homogénéiser. Je vais dire que « c’était avant, avant » à la lecture de la déclaration du Président de la République française Emmanuel Macron.   

Personnellement, je considère que l’annoncer, c’est déjà une ouverture vers l’appropriation de sa propre histoire par chaque individu.

 Mais ces annonces doivent être accompagnées pour qu’elles puissent se concrétiser permettant ainsi d’actualiser et d’enrichir cette mosaïque culturelle.   

Pour que cette ambition puisse réellement être appliquée, chaque territoire devra explorer le thème de l'assimilation avec l’objectif de sensibiliser les jeunes générations, d’éveiller leur conscience sur l'importance de ce phénomène, et leur permettre de retrouver leurs traditions de reconnaissance et de respect de leur Histoire, de leurs ancêtres.    

Il s’agit enfin de les aider à comprendre les répercussions des politiques d'assimilation sur les cultures et les identités des peuples autochtones. Ce sujet est véritablement de nature à favoriser l’échange avec les jeunes. En discutant de l'assimilation, nous pouvons les encourager à envisager des initiatives futures pour préserver et promouvoir les cultures locales, et à participer à des actions concrètes de soutien aux communautés, mouvements et partis.    

En parallèle, cela ouvrirait la voie à des projets collaboratifs avec des instituts de recherche et des universités traitant de cette problématique, avec la contribution des services culturels locaux, des médias locaux, et des sachants encore vivant qui risquent d’emporter avec eux les richesses culturelles qu’on ne trouve pas dans les livres.

 I-Dialogos : En 2024, la France accueillera dans l'Hexagone, le Sommet de la Francophonie. A mes yeux, les Outre-Mer sont partie prenante de la Francophonie, avec leur particularité et leur diversité culturelle et linguistique. Fortement marqués par l'Histoire coloniale qui pèse dans les consciences et dans les rapports entre les différentes communautés, il y a souvent parmi une partie des peuples des Outre-Mer de la suspicion quand on parle de la Francophonie. 

N'est-il pas temps de repenser en France et la Francophonie en intégrant pleinement dans toute leur richesse et leur diversité, l'ensemble des territoires des Outre-Mer? 

Et peut-être de parler plutôt des Francophonies? 

Jimmy Vakauliafa : La question mériterait qu’on puisse d’abord prendre les dispositions visant à approfondir la réflexion sur l'appartenance locale, à éduquer sur ces questions et à encourager l'engagement dans des actions concrètes afin de préserver, pour l’avenir, ces cultures locales, régionales et nationales. 

Rien qu’avec cette segmentation culturelle, nous nous rendons compte de cette richesse dont nous n’en mesurons même pas la portée intergénérationnelle dans cette société de plus en plus métissée. 

Nous devons reconnaître et accepter le fait que la Diversité constitue une richesse et non un frein, à l’heure ou des populations essayent, tant bien que mal, de s’investir humainement, bénévolement et financièrement, pour essayer de retrouver leur histoire, parfois même, avec des reproches sur leurs aînés pour n’avoir pas pu préserver ni sauvegarder le peu d’identité qui pouvait leur rester. 

I-Dialogos : Le Sommet de la francophonie ayant lieu en France, quelles initiatives pourraient être prises en 2024, au-delà du sommet institutionnel et de la "photo de famille", permettant dans l'hexagone, mais aussi dans les territoires ultra-marins, de faire prendre conscience de l'intérêt de la Francophonie et des Outre-Mer pour le rayonnement de la France et de l'Europe; et pour l'ensemble des territoires ultra-marins de faire vivre avec fierté leurs spécificités, leur richesse culturelle et ainsi de porter la voix de ces territoires au sein de l'espace et des institutions de la Francophonie?

Jimmy Vakauliafa : Nous assistons, en effet, à l’organisation d’évènement diffusés à la télévision comme les « voix des outre-mer », à des festivals culturels, des carnavals, des animations « exotiques » dans chaque région hexagonale mais également dans chaque région ultramarine. 

Ces initiatives contribuent à la promotion de la diversité culturelle des territoires respectifs et de la France.   Cependant, j’estime qu’un travail de fond doit être amorcé et impulsé dans les écoles de chaque territoire qui deviendront, par la suite, les «ressources » pour les structures hors territoire et hors outremers, lesquelles devront respecter scrupuleusement les savoirs faire transmis. 

I-Dialogos : Militant depuis longtemps de la coopération de territoires à territoires de différents pays, ne serait-il pas opportun et judicieux de pouvoir favoriser des liens de territoires ultra-marins, des territoires ultramarins du Pacifique, notamment, avec des territoires de l'hexagone permettant de développer des échanges entre jeunes?

 Jimmy Vakauliafa : C’est une noble ambition que beaucoup partage et dans laquelle, toute main tendue est la bienvenue. C’est également une manière d’apprendre à se connaître, à se découvrir, à s’enrichir l’un de l’autre et pour remettre un peu de l’humain dans cette société de plus en plus individualiste et repliée sur elle-même.   Les écoles constituent des leviers importants à solliciter et l’innocence des enfants demeure la meilleure source de propositions et de suggestions pour poser les socles de ces développements partagés.

Le 27/04/2024