Il est important d'avoir de l'empathie, de la résilience et une solidarité de tous les instants avec le peuple ukrainien, mais sans oublier également d'avoir une approche politique et géopolitique face au conflit Russo/Ukrainien.
Qui n'est pas sensible à ces réfugiés, à ces visages d'enfants confrontés à la guerre ? Certainement personne? Moi-même je peine à retenir mes larmes. Mais nous devons prendre du recul avec cette approche à juste titre très sensible et normale, face à cette guerre meurtrière qui frappe les populations civiles.
Il est impératif de ne pas s'enfermer dans ce qui génère de la colère au regard de ces images insoutenables. Car chacun le sait la colère si elle est nécessaire, est toujours mauvaise conseillère, si on en reste à celle-ci. Elle peut déboucher sur de mauvais réflexes et préconisations.
On le voit déjà poindre dans certaines prises de paroles sur les plateaux télés et dans certains reportages, quand on appelle à fermer toutes les entreprises françaises en Russie, à bannir les sportifs russes des compétitions sportives et à annuler toutes les manifestations culturelles avec des artistes ruses.
Il y a une pression très forte des autorités ukrainiennes sur les gouvernements européens en les culpabilisant, pour qu'ils prennent cette décision. Les prises de parole du président ukrainien devant les parlements nationaux vont dans ce sens. On peut les comprendre, mais il faut garder la tête froide pour plusieurs raisons.
-La France, même si elle apporte son soutien à l'Ukraine face à l'agression de Poutine, n'est pas en guerre avec la Russie
-Frapper économiquement Poutine, les oligarques et les dirigeants russes c'est une chose, mais mettre la Russie sous cloche en enfermant le peuple russe par des mesures drastiques, y compris en frappant les sportifs, les intellectuels, les chercheurs, les artistes, les salariés des entreprises françaises présentes en Russie, c'est faire le jeu de Poutine qui ne manquera pas de présenter toutes ces personnes comme des victimes de l'Occident. Cela le renforcera.
-En Russie, il y a des millions de russes qui ne sont pas d'accord avec cette guerre, allons-nous les laisser à la merci de Poutine? Non absolument non!. A juste titre comme l'a écrit Danièle Sallenave il faut être solidaire de ces russes qui même silencieux du fait de la répression, sont contre la guerre. Dans le journal 'Humanité de ce 22 mars, l'écrivain André Markowicz a la même approche quand il déclare "Ce n'est pas la culture russe qui est dans les chars de Poutine".
Ne coupons pas les ponts avec tous ces intellectuels, artistes, chercheurs, jeunes et simples citoyens russes, continuons de les accueillir, ne rompons pas les jumelages des collectivités françaises avec des collectivités russes, continuons à maintenir ce lien par la culture et la connaissance. C'est l'arme de l'intelligence face à la barbarie. C'est une arme terrible et efficace contre Poutine. Ne stoppons pas l'activité des entreprises françaises en Russie qui serait synonyme de chômage pour des très nombreux russes, donnons à voir aux salariés de celles-ci que nous ne les mélangeons pas avec les bellicistes du Kremlin. Que la France n'est pas en guerre avec le Peuple russe!
-Tout en condamnant l'agression, ne fermons pas la porte à la Russie. L'action de la France est importante depuis le début du conflit, mais il y a une institution qui peut jouer un rôle très puissant et positif, c'est le Conseil de l'Europe où siègent 47 pays avec leurs parlementaires, leurs élus locaux et leurs associations. Ayant siégé au congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, j'ai pu constater lors du conflit Russie/ Géorgie que les élus des deux pays se parlaient. Fabien Roussel a eu raison de citer le Conseil de l'Europe sur France 2, comme un acteur du conflit. Il faut poursuivre inlassablement à redonner au Conseil de l'Europe toute sa place politique dans les enjeux européens. A en faire un acteur majeur sur le continent européen.
JC Mairal 22-03-2022