Christophe de Contenson, artisan sculpteur, maire de Couzon et conseiller départemental de l'Allier en charge de la coopération internationale
Sacrée mémoire archaïque qui depuis la révolution de 1789 nous a formatés les uns et les autres à trop souvent camper, vis-à-vis d’autrui, dans une forme d’opposition permanente que cela soit sur un plan intellectuel, social, politique, humain.
L’Autre est rarement considéré comme un élément essentiel à la construction d’une vérité mais bien plutôt comme une interface sur laquelle on vient rebondir pour mieux solidifier la sienne comme ses convictions ou ses combats.
Combien d’entre nous lorsqu’ils sont en conversation analysent ou argumentent selon leur unique schéma de pensées ou d’expériences de vie. Ce serait une valeur ajoutée si cela était fait dans une perspective de tendre vers plus d’universalité mais c’est rarement le cas.
Chacun campe sur son Aventin, écoutilles fermées dans une démarche autocentrée d’où le mythe de Narcisse n’est guère éloigné. L’Autre reste un miroir plutôt que cette indispensable lumière à la compréhension élévatrice du sujet ou du débat qui préoccupe. Alpinistes et navigateurs sont en cela de merveilleux exemples : Toujours en quête de nouvelles voies pour escalader une montagne ou traverser les océans. Ce besoin vital chez eux de se remettre en cause pour mieux saisir l’espace infini de leurs capacités à oser, à comprendre le milieu et s’y adapter, est plus qu’inspirant.
Il traduit ce parti pris de ne jamais avoir peur comme la volonté farouche de ne pas vouloir mourir vivants car là est bien pourtant ce que nos sociétés semblent vouloir déterminées à faire de nous aujourd’hui : des êtres aseptisés, uniformes, apeurés dont les vies sont régies par un mode de pensée unique où les interdits et les contrôles sont foison.
Quels médias, quels intellectuels, quelles personnalités politiques, quelle culture viennent avec souffle réveiller et élever les consciences pour plus d’estime d’elles-mêmes, de capacité à envisager demain, sans crainte. Aucuns.
Petits ou grands écrans, étals de librairies, débats à l’assemblée, expositions d’art contemporain tout nous parle que de nous ou d’auteurs exhibitionnistes. Les œuvres et les discours sont consensuels, surfaits ou surjoués, souvent sans sincérité et bien désincarnés. Comment alors, chacun à notre niveau, éviter d’être emporté par une telle lame de fond si nous voulons vivre sans être jamais dupes de nous-mêmes, toujours en quête de différence, de nourriture intellectuelle à partager, à transmettre aux générations futures afin d’entretenir chez elles le goût de l’engagement, des responsabilités et des autres.
Rien n’est plus mortifère que l’entre soit. L’histoire est là pour nous rappeler ces périodes de décadence dues à la dégénérescence des élites, de leurs idées et des consciences. Alors ne sombrons pas dans le repli sur nous-même comme nous le promettent ces discours anxiogènes sur le grand remplacement, d’où qu’il viendrait.
Fi des caricatures et des stigmatisations. Louons Erasmus, les voyages et les cultures étrangères.
Le Département de l’Allier est bien présent sur ce terrain. Il coopère depuis des dizaines d’années avec le Mali, la Mongolie, le Sénégal dans le cadre de projets d’excellence, d’échanges de savoir faire, de formations pour une plus grande autonomisation de nos partenaires. Une plateforme interactive entre collèges, entreprises, spécialistes divers de ces pays, de l’Allier et bientôt du Québec va être mise en place pour entretenir chez les jeunes générations ce merveilleux sentiment de faire elles aussi partie intégrante de la grande aventure humaine.
Qu’elles gardent pour toujours au cœur ce sage propos de Youri Gagarine, cosmonaute russe : « En regardant de loin, la terre est bien trop petite pour qu’il y ait un conflit et juste assez grande pour une coopération ».
Christophe de Contenson in « l’Aurore du Bourbonnais »
21 octobre 2022