Catherine LE PELLETIER est née à Cayenne, en Guyane française. Ses publications rejoignent son domaine de recherche : Littérature et société, le cas de la Guyane[1] (essai) et s’inscrivent dans la fiction : Damas, le scintillement des larmes[2] (roman), Pastel de Belém[3] (roman). Spécialiste de littérature caribéenne francophone et de littérature guyanaise, elle a exercé à l’Université des Antilles (pôle Guadeloupe) en tant que Maître de conférences associée. Parallèlement, elle a été journaliste littéraire (RFO-Guyane), où elle a créé le magazine télévisé Encre noire, puis Grand reporter à France Télévisions (Guadeloupe la 1ère) et Directrice éditoriale (Wallis et Futuna la 1ère).
Propos recueillis par Jean-Claude Mairal, coprésident I-Dialogos
I-Dialogos : Il y a une profonde méconnaissance chez les citoyens, les élus et les acteurs économiques de l'hexagone, de la réalité des territoires ultra-marins et de leurs populations. Alors que ces territoires possèdent une richesse humaine, une diversité culturelle, une créativité et des potentialités économiques et environnementales considérables. On sous-estime grandement l’intérêt pour le rayonnement de la France, de pouvoir disposer de ces territoires qui sont présents aux quatre coins du Monde et sur trois Océans, faisant de notre pays, le 2ème empire maritime mondial, après les USA. Vous qui êtes née dans un de ces territoires et qui par vos responsabilités de journalistes avez parcouru la plupart de ces territoires, comment analyser ce désintérêt, incompréhensible à mes yeux ?
Catherine Le Pelletier : On constate effectivement une méconnaissance des Outre-mer. Cette méconnaissance intervient à trois niveaux.
D’abord, ainsi que vous le soulignez en France hexagonale où les Français ne savent pas grand-chose sur les univers dits ultramarins.
Au second niveau, cette méconnaissance existe aussi entre les différents territoires d’Outre-mer : il n’y a pas une unité ultramarine française, mais bien des entités différentes, sur des continents et des océans divers.
Enfin, à l’intérieur même d’un territoire, il n’est pas rare de rencontrer des personnes qui ne sont jamais allées dans l’une ou l’autre de ses régions. Les « Ultramarins » ne se connaissent pas tous et ne connaissent pas tous non plus leur propre territoire. Voilà pour le constat.
Mais les explications sont également plurielles. Commençons par le troisième constat. Pourquoi les personnes ne se déplacent-elles pas à l’intérieur de leur propre territoire et le connaissent parfois si mal ? La première réponse est économique, parce que bien souvent, les distances séparant les différentes régions sont telles que le coût pour les relier est de plus en plus important.
Or, nous savons que chacun des territoires français en dehors de l’Hexagone et de la Corse, abrite en majorité des personnes à faibles revenus.
D’autre part, ces territoires ne bénéficient pas autant d’infrastructures que la France hexagonale. Par exemple, il y a des écoliers qui vont en cours en pirogue en Guyane. Dans d’autres territoires, le manque d’infrastructures est tout aussi criant, il constitue un frein évident à tout déplacement.
En ce qui concerne le déficit de connaissance inter territoires, il s’explique aussi par un manque de moyens financiers.
Malgré le développement des nouvelles technologies, la communication reste hautement tarifée et les plans marketing ne sont pas adaptés aux petites structures territoriales.
Quant à la connaissance que chacun pourrait avoir des territoires ultramarins, elle est effectivement quasi inexistante et l’on peut s’interroger sur le système scolaire français, pourtant obligatoire de 6 à 16 ans.
L’accent n’est pas mis sur les territoires d’Outre-mer et les connaissances acquises en cours émanent souvent de l’initiative d’enseignants qui s’intéressent au territoire dans lequel ils vivent.
Quelle est la part de responsabilité de l’Éducation nationale dans le déficit de connaissance ?
Les petits Français connaissent les Etats-Unis, mais n’ont aucune idée du fait que la Polynésie française représente 118 îles ou que la Guadeloupe est un archipel.
Ce déficit de connaissance, de culture générale ou d’intérêt, s’accentue encore chez les adultes. Enfermés dans leur quotidien, la plupart des citoyens ne prend plus le temps de s’intéresser aux richesses notamment culturelles que représentent ces lieux éclatés dans le monde entier.
Par ailleurs, reconnaissons également que les informations qui concernent ces territoires, sont rarement positives. Il s’agit de catastrophes naturelles, de migrations massives, de combats ou autres faits probablement affriolants pour les responsables éditoriaux.
Les angles éditoriaux ne varient pas beaucoup, hélas. C’est la loi des médias.
I-Dialogos : En lisant des articles concernant les conférences que vous organisez, j'ai découvert une richesse littéraire incroyable en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique. Là encore, celle-ci est très peu connue dans l'Hexagone. Comme si les Outre-mer se résumaient à ce qu'en disent les médias, à savoir d'une part les catastrophes naturelles et les grèves et d'autre part des lieux touristiques paradisiaques. Alors que cette créativité et richesse culturelle de ces territoires est un élément du rayonnement de la France.
Catherine Le Pelletier : Vous pointez là un phénomène qui se retrouve partout et les Outre-mer ne font pas exception à la règle. Il s’agit simplement d’intéresser au mieux le public, quel qu’il soit. C’est la raison pour laquelle les informateurs font appel aux émotions. Qu’elles soient positives ou négatives, il s’agit bien « d’accrocher » le public avec des sensations toujours plus fortes. Ceci est valable pour tous les territoires non proches.
C’est la dichotomie entre l’information de proximité qui balaye tous les aspects du quotidien et l’information qui concerne les territoires éloignés.
J’appelle cela « l’information du soi » et l’information du non soi ».
Cet état de fait est caractérisé par la hiérarchie de l’information que les professionnels réalisent lors de la composition des journaux. Au-delà de la technique le spectateur doit être captivé pour rester sur une chaîne, qu’elle soit radiophonique, télévisuelle ou numérique.
À l’heure du zapping chronique, tout est bon pour conserver l’attention même pendant quelques secondes seulement. Voilà pourquoi on fait appel aux émotions qui drainent soit de l’adrénaline, soit de la sérotonine, pour captiver le public.
Enfin, les audiences deviennent des diktats. Résultat : d’abord l’info qui nous intéresse au premier chef, ensuite, le reste. Et depuis l’Hexagone, les Outre-mer sont ailleurs, perçus comme étant loin, loin, loin…
Pour autant, il y a une récurrence avec tout d’abord, le rappel quasi-systématique, de la francité des Territoires.
Ensuite, c’est vrai, l’accent est mis sur les stéréotypes, avec quelques fois une incursion dans le social… mais l’importance géostratégique n’est ni soulignée, ni exploitée et la particularité française qui se retrouve aux quatre coins du monde est superbement ignorée.
Le problème est que l’entité française n’existe pas ailleurs que dans l’Hexagone et chaque Territoire possède tellement de particularités qu’il est compliqué d’imaginer, une unité.
Vous avez cependant raison : la créativité et la richesse culturelle sont une évidence dans chacun des Outre-mer et l’unité linguistique aurait pu symboliser l’appartenance à la France. Mais les Histoires sont souvent douloureuses et les voix qui émanent actuellement de tous ces lieux sont volontaires et affirmatives, dans le sens où elles réclament leur différence et leur éloignement.
Le paradoxe réside dans la situation politico-administrative des Outre-mer. Si certains ont leur propre gouvernement et les lois-territoire, d’autres comme les Quatre Vieilles (La Réunion, Guadeloupe, Martinique et Guyane), dépendent totalement du régime hexagonal ; d’autres encore sont sous un régime dit de « royauté » (Wallis & Futuna).
Tous sont différents, tous regorgent de forces créatrices, mal ou très peu présentées au plan national.
I-Dialogos : La France est le seul pays de l'Union européenne à rayonner en Amérique du Sud par sa présence en Amazonie, dans les Caraïbes, en Amérique du Nord à quelques encablures du Canada, dans l'Océan Indien proche de l'Afrique, dans l'Océan Pacifique, zone de l'Indo-Pacifique. Cela lui donne des atouts considérables à l'échelle européenne et mondiale.
Catherine Le Pelletier : Oui, les atouts sont énormes, mais sous-considérés. Voyez le sommet d’Amazonie d’Août 2023, organisé par le Président du Brésil Lula, à Belém.
Tous les pays comprenant une part d’Amazonie ont été invités à discuter de l’avenir de cette forêt primordiale pour nous tous. C’est un sommet particulièrement important, parce qu’il marque la volonté de Lula d’en finir avec la politique dévastatrice de son prédécesseur, Bolsonaro, qui n’avait qu’une idée en tête : favoriser la déforestation et collecter des dollars. C’est aussi primaire que cela. Son plan a réussi à une telle échelle que l’Amazonie n’arrive plus à remplir son rôle de « poumon de la planète ».
Lula veut donc reconsidérer cela et redonner à la forêt primaire une chance. Pour ce faire, il a personnellement invité le Président français…. qui n’a pas jugé utile de se rendre au Parà et qui n’a délégué aucun élu de Guyane.
Résultat, la Guyane dont 90% du territoire est composé de l’Amazonie est absente, ne peut pas participer aux débats, ne peut rien proposer.
Nous sommes là face à une faute politique très grave dont les conséquences seront terribles.
La France se sert de ses différentes implantations comme s’il s’agissait de simples monnaies d’échanges stratégiques. Mais dans le fond, les Outre-mer qui sont riches (uranium, nickel, or, pétrole), ne sont pas considérés.
Seul l’intérêt de l’Etat compte et non celui de ces régions.
I-Dialogos : N'est-il pas temps au niveau des décideurs politiques, économiques et culturelles de l'Hexagone, de changer de logiciel et de vision vis à vis des Outre-Mer, de procéder à une réflexion profonde et de penser autrement les politiques menées en Outre-mer ? N'est-il pas temps également au niveau des élus des Outre-Mer qu'ils aient une autre approche de leur rôle politique dans leur territoire et vis à vis du pouvoir central à Paris ? La société civile n'aurait-elle pas aussi un rôle à jouer ?
Catherine Le Pelletier : Les mentalités sont en train de changer. Mais sont-elles vraiment entendues et la société civile a-t-elle les moyens de changer les choses ? Prenons plusieurs exemples.
Tout d’abord, voyez ce qui s’est passé en 2009 en Guadeloupe. Le pays entier (ou presque), s’est soulevé contre la vie chère notamment, à l’initiative du LKP, Lyannaj Kont Pwofitasyon, un mouvement qui réunissait 49 associations ainsi que des personnes du monde civil. Dans les rues, plus de 60 000 personnes ont défilé quotidiennement, le pays entier a été bloqué pendant 44 jours. Il s’agissait aussi de dénoncer le scandale de la chlordécone qui procure à la Guadeloupe un triste palmarès, la plaçant dans le peloton de tête des pays à fort développement de cancers.
Après toutes ces années, toutes ces manifestations, aucune responsabilité n’a été reconnue à l’État qui a accepté l’utilisation du pesticide qui a empoisonné les terres guadeloupéennes.
Quant à la vie chère, elle l’est autant, sinon plus encore qu’en 2009.
Est-ce à dire que le mouvement n’a servi à rien ? Pas exactement, parce qu’il a obligé toute la classe politique locale et hexagonale, à zoomer sur le quotidien des Guadeloupéens.
Pour autant, les retombées sont toujours attendues… Seul fait tangible et terrible : deux morts.
Autre exemple, celui de la Guyane, en 2013. À cette époque-là, il existait une seule et même Université des Antilles et de la Guyane. Mais Guyanais, se sont estimés lésés par les Antillais et ont fait une comparaison démographique.
La Guyane a une démographie exponentielle, avec plus de la moitié de sa population qui a moins de 25 ans.
Les Antilles ont à l’inverse, une démographie négative, avec un vieillissement marqué de ses populations.
Et lorsque l’on sait que les subventions universitaires sont pour bonne part attribuées au prorata du nombre d’étudiants, le calcul est vite fait. Là, les manifestations, portées également par les politiques, ont abouti : l’Université de la Guyane est née en 2014. Puis, en 2017, un raz-de-marée humain a envahi tout le pays, dénonçant notamment l’insécurité et le manque de moyens de la Guyane.
Aujourd’hui le pays est en proie à des vagues récurrentes de migrants qui investissent Cayenne, devenue insécure. Tous les mois, la Mairesse de Cayenne interpelle qui le préfet, qui le Président de la République pour que des moyens soient donnés afin que cessent les faits de violence.
La réponse obtenue est simple : Rien ! Enfin, voyez ce qui se passe à Mayotte où les Comoriens viennent dans ce bout d’Europe, dans des conditions terribles et où la violence est aussi quotidienne… Que l’on comprenne bien. Il ne s’agit pas ici de stigmatiser les migrants, mais le système qui autorise le phénomène de grande précarité dans lequel ils vivent et contre lequel ils tentent de sortir. Il n’y a évidemment pas de réponse de l’Hexagone à la mesure du phénomène.
La question pourrait être : est-ce que la France a réellement les moyens d’avoir des territoires d’Outre-mer ?
Force est de constater qu’elle s’en sert au plus haut niveau, sans reverser la moindre part de ce qu’elle perçoit aux Territoires concernés dont elle ignore allègrement le sous-développement.
I-Dialogos : Les Outre-Mer sont une chance pour le développement de la France. Comment repenser les liens de ces territoires entre eux et avec l'Hexagone. Comment dans la diversité, l'Histoire et la réalité de chaque territoire, construire du commun et réussir à faire République française ? Est-ce possible ? Et comment ?
Catherine Le Pelletier : Je pense que le chemin sera long, mais il s’agit avant tout de choix politiques. Au sein même des Outre-mer, il y a eu des tentatives de construction et d’unité. Pour autant, celles-ci sont-elles possibles au moment où l’affirmation des différences est un point névralgique ?
Et au-delà même des différences géographiques et environnementales, il y a également les langues. Et là, on se heurte à une barrière pour laquelle je ne perçois pas d’ouverture.
L’article 2 de la Constitution française affirme que « La langue de la République est le français ». Il s’agit de la seule langue !
En 1999, le gouvernement a demandé au linguiste, Bernard Cerquiglini, un rapport sur l’état des langues utilisées en France et en Outre-mer.
Pour vous donner une idée de la richesse linguistique des Outre-mer, 28 langues kanak ont été dénombrées en Nouvelle-Calédonie ; 5 créoles différents, 6 langues amérindiennes en Guyane ; 9 langues ont été répertoriées en Polynésie ; 2 à Mayotte… Comment préserver ce trésor ?
L’Histoire nous a montré que la langue est liée au dominant, elle est un objet capital du pouvoir. Les langues font partie de l’affirmation de chacun des Territoires où elles sont utilisées aussi comme instrument de revendication.
Aujourd’hui, nous savons que chaque Territoire français manque cruellement de développement. Et nous savons aussi que les choix de la France ne sont pas franchement en faveur du développement des Outre-mer. Comme nous l’avons vu plus haut, il s’agit d’un « service minimum ».
Regardons ce qui se passe pour les DFA (Départements Français d’Amérique). On sent bien que la tension monte, il y a des manifestations récurrentes et des invectives ciblées dans les assemblées régionales ou nationales.
Ce qui se disait à voix feutrée il y a encore une décennie, est affirmé de façon décomplexée aujourd’hui : la France a une dette qu’elle n’assume pas.
À mon sens, les revendications actuelles rejoignent aussi d’une forme de « néo-réparation » : après l’esclavage, la France a indemnisé les Colons blancs et non les Esclaves.
Ensuite, au moment de la Départementalisation en 1946, la loi dite d’Assimilation visait à donner les mêmes droits au citoyens français de ces nouveaux départements d’Outre-mer, qui ont espéré une « assimilation » complète de leur nouvelle citoyenneté à l’État français.
Cela a été une fausse croyance et l’erreur que Césaire lui-même a souligné. Aujourd’hui, nous sommes dans le 3ème temps, avec une déconvenue ingérée et une perspective différente : les Territoires veulent s’affirmer, mais exigent de la France fasse l’accompagnement qu’elle n’a jamais réalisé.
I-Dialogos : Quand on aborde les questions institutionnelles, de nombreuses pistes sont avancées : décentralisation renforcée, fédéralisme, autonomie, indépendance avec une relation privilégiée avec la France. Tout cela mérite d'être discuté, mais ce qui importe c'est que les décideurs et les populations soient pleinement responsables de la vie et de l'avenir de leurs territoires.
Catherine Le Pelletier : Oui, de toute façon, l’Histoire est en route et le droit à l’autodétermination des peuples est réel. Pour autant, il n’y a pas de recette magique, les Territoires d’Outre-mer se trouvent aujourd’hui dans une logique où les choix locaux leur sont interdits, comme ceux du Sommet d’Amazonie que nous avons souligné.
Quel est leur marge de manœuvre s’ils ne se font pas entendre dans le cadre de la République ?
Les discussions doivent être libres, franches et surtout assorties de décisions suivies. Beaucoup de vœux pieux sont formulés, mais la réalisation concrète des préconisations n’a pas lieu. Nous en revenons encore aux choix politiques.
Actuellement, des interrogations existent quant aux intérêts français dans les anciennes colonies africaines. Les réponses, non satisfaisantes, aboutissent à un rejet de la France au profit d’autres puissances.
I-Dialogos : En 2024, la France accueillera dans l'Hexagone, le Sommet de la Francophonie. A mes yeux, les Outre-Mer sont partie prenante de la Francophonie, avec leur particularité et leur diversité culturelle et linguistique. Il ne faut pas oublier qu'en 1934 Aimé Césaire fonde, avec d’autres étudiants caribéoguyanais et africains (parmi lesquels le Guyanais Léon Gontran Damas, le Guadeloupéen Guy Tirolien, les Sénégalais Léopold Sédar Senghor et Birago Diop), le journal L'Étudiant noir, où apparaîtra pour la première fois le terme de « négritude », concept, forgé par Aimé Césaire en réaction à l’oppression culturelle du système colonial français, afin de promouvoir l’Afrique et sa culture dévalorisées par l'idéologie colonialiste. Senghor sera un des fondateurs de la Francophonie en 1962, qui n'est pas pas, on l'oublie trop souvent une création française, avec Habib Bourguiba (Tunisie), Hamani Diori (Niger), Norodom Sihanouk (Cambodge) et Jean-Marc Léger (Québec).
Catherine Le Pelletier : Une langue vit tant qu’elle a des locuteurs. Le français est aujourd’hui toujours parlé par des millions de personnes, c’est le résultat de l’Histoire de France.
Mais de quelle langue française s’agit-il ?
Il me semble qu’il y a des centaines de variations régionales qui ne correspondent pas tout à fait aux normes académiques. Le processus est naturel, puisqu’une langue n’est pas figée, elle vit, elle évolue avec ses locuteurs. En ce qui concerne le français, un socle commun subsiste et permet une inter compréhension, du nord au sud et d’est en ouest. Cependant, il me semble que la façon d’en déterminer les règles et le bon usage est obsolète.
Il est aujourd’hui reconnu que l’Académie française ne correspond pas, loin de là, à ce que l’on pourrait attendre d’une structure légitime. Elle ressemble en effet beaucoup plus à une assemblée gratifiante pour ses membres, qu’à un organe décisionnel majeur… et pourtant !
La France ne mesure pas la chance qu’elle a d’avoir un vecteur tel que le français. Une fois de plus, elle vit sur ses acquis qui s’étiolent de jour en jour, d’année en année. De nos jours, l’affirmation identitaire trouve ses marques dans la langue.
En août 2023, le Président de la Collectivité Territoriale de la Martinique refuse d’obéir à la requête du préfet de l’île. Il maintient la validité de la délibération de l’Assemblée, plaçant la langue créole comme langue officielle de la Martinique, au même titre que le français. Cette affirmation identitaire passant par la langue se retrouve dans tous les Territoires. Et à chaque fois, la seule réponse de la France a été l’article 2 de la Constitution.
L’hégémonie ainsi conçue n’est pas pérenne. La volonté de la France de considérer que la langue est une et unique, va à l’encontre de son développement. Parce qu’il y a bel et bien une co-existence de différents français, avec des variations plus ou moins accentuées. Les minorer les renforce ; les reconnaître, ferait vivre la langue française dans sa riche variété plus intensément.
Denière minute 30.08.2023 =>