Ancien professeur de philosophie, président de « Planète Jeunes reporters-Sur les pas d'Albert Londres », Vichy, France. De nationalité française, ex président du Conseil Général de l’Allier, vice-président de la Région Auvergne, président du Conseil de développement du pays Vichy-Auvergne, secrétaire de la fondation Gabriel-Péri, président de la plateforme de coopération France-Balkans, Jean-Claude MAIRAL a publié « Peuple citoyen, la démocratie, le défi de notre temps » (éditions Arcane 17, 2014). Coprésident fondateur de I-Dialogos, Jean-Claude Mairal y pilote, notamment, les thématiques Francophonie et Coopération/Développement.
Ci-après l’intervention de Jean-Claude Mairal, à l’atelier « Interculturalité » du festival de GANNAT dans le département français de l’Allier, "les Cultures du monde" le 26 juillet 2025, suivie d’une réflexion pour que vive l’interculturalité entre territoires urbains et ruraux français, ainsi que l’interculturalité dans chaque pays.
Désormais sur nombre de sujets, chacun est sommé de rejoindre un camp. La nuance ne fait quasiment plus partie du débat, c’est la pensée binaire qui domine. Edgar Morin invite avec le concept de la pensée complexe à sortir de cette posture qui gangrène la société et ainsi mieux concevoir ce qu’est l’être humain, dans son environnement, dans son rapport aux autres, au pays où il vit et au Monde, de percevoir la complexité des sociétés et leurs contradictions. C’est en s’inspirant de cette approche que l’on peut comprendre l’importance dans une société aux composantes humaines et territoriales très diverses, de l’interculturalité, à ne pas confondre avec le multiculturelle qui génère une juxtaposition des communautés, d’où résulte rapidement un repliement identitaire. Alors que la démarche interculturelle vise à favoriser le dialogue, permettant aux identités culturelles de se transformer sans se sentir menacées, de créer du commun et du vivre ensemble.
La gestion de la diversité culturelle fait partie intégrante des enjeux sociaux et des politiques qui structurent les villes et les territoires de l’hexagone et des Outre-Mer.
Car la France on l’oublie trop souvent, est présente aux quatre coins de la planète, sur tous les Océans, en Amérique du sud, dans les Caraïbes, en Amérique du Nord, en Océanie, dans l'Océan Indien, proche du continent africain, dans l'Antarctique.
La France est un « pays-monde » C’est un "pays-monde.
Même si comme le note Walles Kotra, Kanak, journaliste et ancien membre du Comité exécutif de France télévisions en charge des Outre-Mer, « la France refuse de se penser en archipel mondial pour continuer à n'être qu'un Hexagone rabougri, incapable d'assumer sa géographie éclatée et ses champs culturels multiples ». Et si on ajoute la présence sur ses territoires, de populations issues de l’immigration depuis le 19ème siècle, on se rend compte que l’interculturel est un enjeu majeur pour la cohésion de la France.
L’école a un rôle fondamental à jouer. Dans un certain nombre d'écoles, il y a parfois dans des classes, des jeunes issus de 7 ou 8 cultures différentes, voire plus. Sans une formation spécifique sur l'approche interculturelle, permettant en valorisant l'apport des origines de chaque jeune (donc du pays d'origine des parents et les parents eux-mêmes) de donner confiance aux jeunes concernés, il n'y aura aucune possibilité qu'ils se reconnaissent dans une communauté de destin national.
Il faut être conscient qu'un certain nombre de jeunes issus de l'immigration n'arrivent pas à se construire une identité. Ils ne sont plus de là-bas (pays d'origine des parents et des grands-parents) et pas pleinement d'ici, car on ne les reconnaît pas comme étant d'ici. Former les enseignants à cette démarche interculturelle permettrait à l’éducation nationale de se réaffirmer comme le lieu des passerelles et de ciment de la communauté nationale. En valorisant cette diversité culturelle et linguistique parmi la jeunesse, elle en fera un atout, une richesse et un levier de créativité pour le développement économique et le rayonnement culturel de la France. Elle sort les jeunes de l’enfermement, de la victimisation et leur donne une perspective d’avenir.
Les populations d’origine immigrée : une formidable expérience de dialogue et de coopération interculturelle à valoriser.
Par ailleurs les collectivités qui ont sur leur territoire des populations d'origine immigrée peuvent développer des coopérations avec les pays d'origine de celles-ci. Il y a là une formidable expérience de dialogue et de coopération interculturelle à valoriser, à faire fructifier tout en favorisant l'investissement de jeunes, en les sortant de leur isolement, dans des projets d'envergure dans un certain nombre de pays, d'en faire ainsi les ambassadeurs de la France.
Cependant l’interculturalité qui est le plus souvent pensée en France avec des pays et territoires étrangers peut concerner également des territoires français. Quand on constate la méconnaissance de nombre de personnes et de jeunes en particulier qui vivent dans les métropoles, vis-à-vis des territoires ruraux et du monde agricole ou la méconnaissance de personnes vivant dans les territoires ruraux et d’agriculteurs vis-à-vis de quartiers urbains et de leur réalité, l’interculturalité doit aussi être enseigné dans l’ensemble de la France. Car la France, y compris dans l’hexagone, c’est un pays à la grande diversité des territoires et de leur Histoire.
En 1946, Lucien Febvre titrait un article, « Que la France se nomme diversité » et en 1986 Fernand Braudel dans « l’identité de la France », écrivait « La France se nomme diversité et, je l’avoue avec délectation, c’est son plus beau visage, celui que j’aime et qui par sa seule beauté me libère de tout raisonnement qui pourrait être triste ».
Aujourd'hui la majeure partie de nos concitoyens ne connaissent les territoires français que par les médias, souvent par faits divers interposés ou par la vision touristique de cartes postales, mais rien sur la vie réelle des populations concernées. Souvent des jeunes lycéens et étudiants, grâce à leurs voyages ou par leur stage à l’étranger, connaissent mieux des pays à plusieurs milliers de kms, que des territoires de la France, à quelques centaines de Kms. Intégrer la réflexion interculturelle dans l’enseignement doit donc aussi se penser entre territoires ruraux et urbains français. Des coopérations pourraient aussi se développer entre ces différents territoires, via les collectivités et les associations.
J’ai pris l’exemple de la France, mais chaque pays, sur chaque continent, possède des cultures, des langues, des spiritualités et des populations diverses, natives ou immigrées, souvent source de tensions et parfois de guerres meurtrières inter-ethniques.
Faire vivre et enseigner l’interculturalité par la connaissance et la compréhension des uns et des autres, par l’échange et le dialogue, est le ferment du vivre ensemble et permet d’éviter bien des désagréments mortifères. C’est le combat que mène l’UNESCO, notamment en direction de la jeunesse pour la paix avec le programme de leadership interculturel de l’UNESCO.
L’interculturalité est aussi au cœur des réflexions et actions de I-Dialogos.
Jean-Claude MAIRAL