𝗠𝗮𝗱𝗶𝗻𝗮 𝗧𝗔𝗟𝗟, Directrice Générale de PI Côte d'Ivoire. Interview.

Porte-parole du Parlement Francophone des Jeunes de 2022 à 2024, en Côte d’Ivoire, Madina Tall est la fondatrice et directrice de PI Côte d'Ivoire.

I-Dialogos :  ⁠Madina Tall, vous êtes la directrice de l’entreprise citoyenne « Pouvoir et Influences », à Abidjan. Celle-ci se caractérise, entre autres, par la jeunesse de ses promoteurs. Pouvez-vous nous préciser l’origine et les raisons qui ont conduit à lancer cette initiative ? Quels en sont les principaux initiateurs ? L’ambition est elle centrée sur la Côte d’Ivoire ou plus largement en Afrique ? 

Madina Tall : L’Entreprise citoyenne « Pouvoir et Influences Côte d’Ivoire» en sigle Pi Côte d’Ivoire est née de 3 faits qui sont partagés par moi, par la jeunesse ivoirienne et africaine. D’abord , le constat d’une crise de la démocratie dans nos états qui se manifeste au niveau de la jeunesse, par une appropriation du concept et une insatisfaction de la pratique démocratique. Ensuite , une perception.

https://www.picotedivoire.org/equipe.php

Elle s’inscrit dans une méfiance voire une rupture de confiance envers les acteurs politiques et les médias publics. Enfin, une volonté de changement, de rupture avec le classicisme politique et les pratiques de gouvernance est portée par la jeunesse africaine. Face à une telle situation à la fois de confusion et d’aspirations, j’ai décidé de réagir en créant une entreprise citoyenne. 

Ainsi , pour respecter  l’esprit de la création de cette organisation, j’ai décidé de faire des jeunes , le cœur et la cheville ouvrière de Pi Côte d’Ivoire. C’est donc avec un grand plaisir que la colonne vertébrale de Pi Côte d’Ivoire est composée uniquement de jeunes femmes et hommes dont l’âge varie entre 24 et 30.  Tous et toutes sont des jeunes diplômés, reconnus pour leur engagement en Côte d’Ivoire et qui  partagent une conviction et une ambition communes : celle de faire de l’alternative jeune, un pari gagnant pour la Côte d’Ivoire et l’Afrique. 

L’ambition de l'entreprise citoyenne Pi Côte d'Ivoire est résolument africaine. Si notre ancrage ivoirien nous permet d’agir en laboratoire d’idées adaptées aux réalités locales, nous portons l'ambition de nous étendre en réseau en Afrique de l’Ouest 

I-Dialogos : Dans le cadre du partenariat futur entre nos deux organisations, nous envisageons d’échanger et travailler autour de la vision et des attentes croisées des jeunes générations, de leur conceptions et modes de fonctionnement de la démocratie, une ou des démocraties plus adaptées aux réalités notre temps. Qu’en pensez-vous ? 

Madina Tall : Je pense que nos deux visions s’inscrivent dans la philosophie d’une démocratie « vivante », façonnée par les réalités socio-culturelles, propres à l’Afrique. Vous pouvez le constater comme moi, la géopolitique africaine est en pleine mutation et par la même occasion, la jeunesse africaine ne cesse de démontrer sa capacité à réinventer la démocratie via des modèles hybrides suffisamment éprouvés aujourd'hui tels que les mobilisations digitales, les innovations institutionnelles à travers les assemblées de jeunesse, ou encore l’émergence de nouveaux modèles comme la « ruecratie ». Une collaboration entre nos deux institutions serait en ce sens des plus prolifiques et bénéfiques à l’endroit de la jeunesse.  

I-Dialogos :⁠ ⁠Quel regard, portez-vous, votre organisation et vous-même, sur le contexte géopolitique international du moment ? Quelles seraient les initiatives que nous pourrions envisager pour une meilleure compréhension, un vrai dialogue transnational ? 

Madina Tall : Le monde actuel est marqué par une polarisation croissante, où les rapports de force économiques et sécuritaires priment sur la complexité humaine et la préservation de la vie, le tout, couplé d'une défiance grandissante envers les institutions multilatérales. L’humain au détriment des intérêts géopolitiques devient le plus grand oublié et le parent pauvre des instabilités de l’ordre international. C’est pourquoi, pour nous, en tant qu’africains, il conviendrait de revenir aux fondamentaux en apportant une réponse à une question fondamentale : Quel type de société voulons-nous ? Il serait très intéressant, sous l’angle d’une tribune citoyenne transnationale, de répondre à cette question, par la voix des jeunes, ceux-là qui sont l’avenir.   

I-Dialogos ⁠La Côte d’Ivoire, votre pays, par delà des complexités et crises, largement partagées de par le monde, y compris relatives aux migrations, est l’un de Etats africains qui connait le plus fort développement. Qu’attendez-vous des prochaines élections présidentielles ?   

Madina Tall : 2025 est une année qui est au centre de toutes les attentions au regard du passif politique de notre pays. Pour ce faire, les prochaines élections doivent être un test de maturité politique et démocratique pour la Côte d’Ivoire qui doit répondre à au mois trois conditions : 

  • Veiller à une campagne apaisée  ouverte avec la fin des discours identitaires ou xénophobes, la valorisation des projets politiques
  • Assainir le fichier électoral par la Commission Électorale Indépendante afin d’assurer la crédibilité, la transparence et la légitimité du scrutin
  • Assurer une participation ouverte au jeu démocratique lors des élections présidentielles.

 Lors de ces élections et pour l’avenir, je pense qu’aucun homme politique ne doit accepter de porter le poids historique d’une nouvelle crise ou instabilité politique en Côte d’Ivoire.  

I-Dialogos : ⁠ Madina Tall, auriez-vous des observations ou suggestions dont vous souhaiteriez nous faire part ? par exemple dans la relation entre l’Europe et l’Afrique ? Par exemple en termes de perceptions dans les médias ? … 

Madina Tall : La relation Europe-Afrique de l’Ouest j’ai envie de dire, souffre de ses mauvais jours. C’est, pour moi, un malaise qui existe entre ces deux continents qui étaient unis par un cordon ombilical. Dans ce contexte, les médias sont à la fois acteurs et victimes de leur communication et surtout du traitement de l’information vis à vis de l’Afrique qui est perçue comme, dégradante, réductrice ou ne respectant pas les principes et les valeurs définis par les États africains. Vous l’aurez constaté, certaines chaînes de télévision européennes sont suspendues dans des pays africains. Il est plus que jamais impératif pour le quatrième pouvoir de revoir ses copies et déconstruire les préjugés dont elle fait l’objet depuis plusieurs années. 

Abidjan, le 24 mars 2025